On ne peut s’empêcher de penser au morceau inspirant du groupe « Feu ! Chatterton » devant l’expression, jeudi dernier, des tensions sino-américaines lors du sommet d’Anchorage (assertions américaines : Xinjiang, Hong Kong, Taïwan, coercition économique contre nos alliés, cyberattaques, … contre réponses chinoises sur le traitement des droits humains aux Etats-Unis et notamment le « massacre des afro-américains »). Elle nous rappelle à une réalité déjà évoquée dans nos publications : l’administration Biden s’inscrit dans la droite ligne de celle de Trump sur la Chine (la compétition avec la Chine constituant « le plus grand test géopolitique du XXIème siècle » dixit Antony Blinken, secrétaire d'État américain en charge de la diplomatie, lors de son premier discours de politique étrangère le 3 mars). Que dire également de l’escalade verbale entre les présidents Biden et Poutine ? Pas de colombe de la paix ici…
La Covid-19 n’aura donc pas été propice au temps de l’« épochè » raisonnable… et les tensions préexistantes risquent donc de revenir sur le devant de la scène (de quoi perturber la normalisation de la situation sur les marchés ? La question reste ouverte).
Ici et maintenant, les marchés réagissant très peu aux risques liés à ces tensions géopolitiques, c’est la thématique de l’inflation qui occupe le devant de la scène. Or, comment ignorer le sujet avec l’accélération forte d’activité traduite par un indice Philly Fed à 51,8 en mars ? La Fed, qui, comme attendu, a laissé ses taux directeurs inchangés au terme de la réunion du FOMC du 17 mars, a clairement rappelé la nette révision à la hausse des prévisions de croissance (6,5% pour 2021) et d’inflation (2,4% pour 2021) aux Etats-Unis, tout en tentant de rassurer sur le maintien d’une politique monétaire « dovish » (avec 10 millions d’américains sans emploi et une inflation sous l’objectif de 2%). Jerome Powell a écarté tout « tapering » à ce stade (« Not time to start talking about tapering bond buying ») et a plutôt tenu un discours de « colombe », la nouvelle doctrine de la FED consistant à réagir non pas par anticipation de l’atteinte des cibles de retour au plein emploi et d’inflation mais, avec pragmatisme, en constatant leur atteinte effective. Si la mise à jour des « dot plots » (prévisions des membres de la Fed sur le niveau des taux directeurs) laisse penser à une absence de relèvement avant fin 2023, davantage de membres l’attendent désormais en 2023 (cf. le graphique de la semaine).
La Fed va donc devoir traiter, selon nous, un cycle reflationniste soutenu par l’amélioration progressive de la situation sanitaire et les plans de relance budgétaires historiques. Il n’est pas certain que les investisseurs fassent fi de la problématique de la hausse des taux longs aux Etats-Unis, jugée comme un simple retour à la normale par la Fed après la récession violente de 2020, et se suffisent de la perspective de très bons BPA prévisionnels ou encore du pragmatisme affiché de la Fed.
Le rebond du Nasdaq Composite vendredi dernier ne saurait nous faire oublier le plongeon de plus de 3% subi la veille, preuve (s’il en fallait) de la sensibilité des valeurs technologiques et plus largement du facteur croissance à la hausse des taux (avec des T-Bonds à 10 ans autour de 1,72% à vendredi dernier). Aussi, nous maintenons notre mouvement de « blendisation » au sein des portefeuilles, mouvement qui ne doit pas nous conduire à une rotation géographique déraisonnable vers l’Europe, dont on connaît les difficultés (doutes finalement levés sur le vaccin d’AstraZeneca, reconfinements, politique de relance budgétaire moins efficace…), mais à un repositionnement factoriel/sectoriel global en gardant une allocation à dominante internationale.