On le sait, la thématique inflationniste, notamment (voire exclusivement) aux Etats-Unis, va occuper le devant de la scène une bonne partie de l’année 2021 et cristalliser l’attention des investisseurs au fur et à mesure des publications à venir. Après le creux de 2020, lié à la crise de la Covid-19, et l’effondrement des prix de plusieurs biens et matières premières, le retour de l’inflation est logique et était attendu, en partie grâce, ou plutôt à cause, d’effets de base favorables et d’une reprise économique soutenue. Deux autres éléments sont cependant venus rajouter de l’eau au moulin inflationniste : (i) la relance budgétaire d’ampleur, menée outre-Atlantique par Joe Biden, a favorisé un rebond économique américain plus fort qu’initialement escompté avec une forte reprise de la demande et (ii) un déficit d’offre, lié à des goulets d’étranglement dans les chaînes de production, devant une demande en forte hausse en lien avec la réouverture des économies.
Les chiffres de l’inflation américaine pour le mois d’avril étaient donc attendus, avec une certaine fébrilité, en forte hausse (3.6% pour l’inflation globale sur un an contre 2.6% le mois précédent). Les publications sont finalement ressorties largement au-dessus des attentes : +4.2% pour l’inflation globale sur un an et +3% pour l’inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie). Sur un mois, l’inflation sous-jacente progresse de +0.9%, un record depuis 1981 ! Si les effets de base expliquent une partie de la hausse en cours (le prix du pétrole a, par exemple, plus que doublé en un an), la réouverture de l’économie américaine pousse les consommateurs vers les services jusqu’alors durement impactés par les restrictions sanitaires comme les loisirs ou la restauration. Ainsi, sur le seul mois d’avril, les prix des billets d’avions sont en hausse de plus de 10% quand ceux de l’hôtellerie progressent de 7.6%. Sachant que la plupart de ces prix sont encore sous leurs niveaux de début 2020, on peut donc s’attendre à une poursuite du mouvement dans les mois à venir. Par ailleurs, les problématiques de production ont également joué un rôle dans la hausse des chiffres d’inflation. Outre la hausse des coûts de production, l’arrêt de certains pans de l’industrie a poussé les prix de l’occasion à la hausse. Cela a notamment été le cas pour l’automobile avec une hausse de +10% en avril sur le marché de l’occasion.
Si le scénario d’une hausse temporaire de l’inflation tient toujours la corde, l’effet transitoire durera encore plusieurs mois, probablement jusqu’au premier semestre 2022. D’ici là, les chiffres d’inflation vont continuer de se succéder largement au-dessus de l’objectif de la Fed, entraînant une certaine volatilité sur les marchés et accentuant le débat sur un resserrement monétaire anticipé de la part de la banque centrale américaine. Plusieurs membres de la Fed ont d’ailleurs été envoyés au front pour rappeler le caractère transitoire de l’inflation et le maintien d’une politique accommodante alors que le marché anticipe à 100% une hausse des taux d’ici fin 2022 (contre 88% avant la publication des derniers chiffres d’inflation).