Les banquiers centraux ont beau avoir remplacé la « forward guidance » (i.e. indications données par une banque centrale sur l’orientation future de sa politique monétaire afin d’influer sur les anticipations des acteurs économiques) par la « data dependence » (i.e. la politique monétaire est ajustée en fonction des dernières données macroéconomiques), ce n’est pas pour autant que leurs décisions sont plus faciles à prendre. La data dependence a, en effet, ses limites, notamment celle de constamment surréagir au dernier chiffre économique et de perdre ainsi une lecture en tendance des statistiques. C’est ce qui explique le constant va-et-vient sur les anticipations de baisse des taux directeurs de part et d’autre de l’Atlantique, bien aidé, il est vrai, par les multiples volte-face de Powell & Co.
Du côté de la BCE, les derniers indicateurs d’activité européens et les tergiversations de la Fed semblent avoir donné du grain à moudre aux membres les plus hawkish qui militent de plus en plus pour le maintien d’une politique monétaire restrictive. De là à remettre en cause la baisse des taux anticipée cette semaine ? Probablement pas car la perte de crédibilité serait terrible pour l’institution européenne alors que la quasi-totalité de ses membres a déjà communiqué sur le sujet. Une baisse hawkish alors ? Peut-être que la BCE y sera contrainte par le « sentiment » de marché. On se rappellera néanmoins que la dernière hausse de taux de la BCE en septembre dernier, qualifiée alors de hausse dovish, faisait débat alors que la tendance à la baisse de l’inflation était bien engagée. Cette dernière était, à l’époque, aux alentours de 4.5% contre inférieure à 3% actuellement … Selon nous, ces atermoiements ne sont pas fondés. Le niveau d’inflation actuel ne justifie pas des taux directeurs aussi restrictifs. La BCE a la marge de manœuvre nécessaire pour les baisser tout en gardant une politique monétaire restrictive. Et ce, d’autant plus que la croissance européenne, bien qu’en accélération (largement anticipée par ailleurs), n’atteint pas des niveaux mirobolants.
Du côté de la Fed, la perception est toute autre. Alors que les premières baisses de taux semblaient repoussées aux calendes grecques à la suite du rebond de l’inflation au cours des premiers mois de l’année, la tendance semble désormais mieux orientée à l’image des dernières données d’inflation PCE qui confirment que le mouvement de désinflation est bel et bien toujours en cours, quoique très graduel. Ce mouvement est amené à se poursuivre sur le second semestre avec l’immobilier qui devrait être une source de désinflation et le ralentissement progressif de la croissance, impactée par la baisse de la consommation. Les dépenses des ménages ont, à ce titre, ralenti sous les attentes, freinées par des conditions financières toujours restrictives alors que la marge de manœuvre des ménages est faible : normalisation des hausses salariales, taux d’épargne quasiment au plus bas et endettement (et défaut) en hausse. Autant de signaux faibles, pour l’instant cachés par l’arbre Nvidia, qu’il ne faudrait pas occulter.
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