La publication du PIB des Etats-Unis en territoire négatif pour le deuxième trimestre consécutif place le pays en récession technique. Si cette définition est communément admise dans de nombreux pays, l’Insee l’a par exemple définie comme telle en France, ce n’est pas le cas aux Etats-Unis où un comité de huit économistes indépendants (le Business Cycle Dating Committee) tranche la question en se fondant sur plusieurs indicateurs, autres que le PIB. Si la décision de ce comité ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois, Jerome Powell (qui milite pour un resserrement monétaire sans impact trop important sur la croissance) et Joe Biden (pour des raisons politiques évidentes) n’ont pas attendu pour souligner que la solidité actuelle du marché de l’emploi n’est pas compatible avec une économie en récession. S’il est vrai qu’il est difficile d’imaginer une économie en récession avec un plein emploi et une croissance des salaires, il faut néanmoins rappeler que le marché de l’emploi est un indicateur retardé et que certains voyants ont d’ailleurs déjà commencé à clignoter (baisse du nombre de postes ouverts, pause des recrutements dans plusieurs entreprises,…).
Dans le détail, l’économie américaine s’est donc contractée de 0.9% en rythme annualisé sur le deuxième trimestre, assez loin des attentes du consensus qui tablait sur une croissance de 0.4%, ce qui pouvait paraître assez haut au regard des derniers chiffres macroéconomiques et du « GDPNow » calculé par la Fed d’Atlanta (nous soulignions d’ailleurs son passage assez marqué en territoire négatif dans notre rendez-vous du lundi du 4 juillet 2022). Si les chiffres du BEA (Bureau of Economic Analysis) peuvent être fortement révisés par la suite, et s’il reste difficile de corriger les variations saisonnières, notamment après la période liée au Covid, la lecture des chiffres du PIB pour le deuxième trimestre montre néanmoins une image bien différente de ceux du premier trimestre. En effet, le premier trimestre n’avait presque été marqué que par un fort effet négatif du commerce extérieur, lié aux problématiques d’offres, alors que le deuxième trimestre est davantage marqué par la baisse de la consommation, principal moteur de la croissance américaine, qui commence à s’essouffler face à la hausse durable de l’inflation.
Ce ralentissement de l’économie n’a cependant pas empêché la Fed de relever ses taux directeurs une nouvelle fois de 75 bps. La banque centrale américaine reste focalisée sur le retour de l’inflation vers sa cible de 2% et la publication de l’inflation PCE (celle regardée par la Fed) sur juin au-dessus des attentes ne devrait pas la faire dévier de son virage restrictif. Toutefois, en excluant une hausse de 100 bps pour cette réunion et en appelant à une politique monétaire « modérément restrictive » pour les prochaines réunions, dans l’optique de préserver le scénario de soft landing, Jerome Powell a permis au marché, également porté par la publication de résultats d’entreprises globalement bons, de continuer son rebond la semaine passée et ainsi de rattraper une bonne partie des pertes du mois de juin. Le FMI ayant revu à la baisse ses perspectives pour l’économie mondiale et l’économie américaine ralentissant, il n’apparaît pas déraisonnable de penser que la Fed puisse davantage modérer son discours. A ce titre, la conférence de Jackson Hole fin août devrait nous éclairer.
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