Cette citation d’Albert Londres (qui n’est pas nouvelle dans nos publications hebdomadaires), issue d’un contexte certes bien plus dramatique encore que la crise économique que nous vivons, nous semble réellement appropriée face à une situation historique (contraction de la croissance américaine de -33% en rythme trimestriel annualisé, soit la plus importante depuis la seconde guerre mondiale ; croissance du 2ème trimestre de -40% en zone Euro).
Des raisons d’être optimistes, il en existe néanmoins. Le redressement de l’activité au niveau mondial s’est poursuivi, ces dernières semaines, et a même dépassé les attentes. Les différents indicateurs d’activité (dont ceux du fret aérien et maritime) ainsi que le PMI manufacturier mondial (50,3 en juillet, soit un plus haut de 6 mois) ont progressé. Les nouvelles demandes d’allocation chômage se sont stabilisées en juillet aux Etats-Unis et le taux de chômage outre-Atlantique a poursuivi son recul à 10,2% (contre 11,1% en juin). Par ailleurs, à défaut d’accord entre les élus démocrates et républicains au Congrès en fin de semaine dernière alors que les premières mesures d'aide ont expiré au 31 juillet, Donald Trump a pris les devants samedi via quatre décrets (executive orders) visant à prolonger certaines mesures d'aide économique. Toutefois, si cette initiative présidentielle (dont la légalité sur le plan budgétaire peut encore être discutée) s’avère salutaire dans un mois d’août peut-être moins propice à la réactivité du Congrès (et stratégique à trois mois de l’élection présidentielle), les besoins restent encore colossaux selon Charles Evans (dirigeant de l'antenne de Chicago de la FED), qui a déclaré, ce dimanche, qu’un autre (vrai) plan de soutien fiscal était « incroyablement important » (3000 milliards de dollars souhaités par les Démocrates contre 1000 milliards de dollars pour les Républicains). Cela nous semble évident notamment à la lecture de l’estimation PIIE selon laquelle une absence de maintien des suppléments d’allocation pourrait retirer jusqu’à 2,5 points de PIB en moyenne au S2 2020 (source : J. Furman, « US unemployment insurance in the pandemic and beyond », juillet 2020, PIIE).
Au sein de la zone euro, le PMI composite est revenu à 54,9 (un plus haut depuis juin 2018) et l’accord sur le plan européen de relance du 21 juillet dernier constitue un stimulus fort. En Chine, la croissance a dépassé les attentes au 2ème trimestre avec un rebond du PIB de 56% en rythme annualisé (contre 45% attendu).
Même si, sur le front de la pandémie, des zones continuent à inquiéter les observateurs avisés (Amérique latine et Inde notamment), la situation épidémique mondiale montre une amélioration globale et c’est finalement l’indicateur qui continuera évidemment à conditionner l’évolution de l’activité. Si le scénario d’une seconde vague ne devait pas se concrétiser (confirmant les attentes), tout serait donc réuni pour une reprise progressive de l’économie et une sortie du cycle récessif pour un retour aux niveaux d'avant-crise en 2022.
Alors, faut-il acheter ce scénario ? A défaut d’être sorcier, oui sans doute. Le seul facteur de risque à surveiller à court terme est celui d’une reprise forte et paralysante de la dynamique épidémique, même si les tensions sino-américaines peuvent apporter de la volatilité (e.g. Ouighours, ByteDance avec TikTok, Tencent avec WeChat, sanctions de Washington contre onze responsables chinois et hongkongais, tensions en mer de Chine, déclarations de Robert O’Brien sur la prétendue responsabilité de la Chine dans des attaques informatiques, dépréciation du yuan face au dollar bien orchestrée par les autorités chinoises…). A cinq jours du point d’étape concernant l’accord commercial de phase « une » entre les deux pays, il ne faut pas être sorcier pour anticiper les reproches que Donald Trump ne manquera pas d’accentuer envers la Chine qui est en retard dans l’exécution dudit accord... Il est ainsi certain que Donald Trump continuera voire renforcera encore sa stratégie envers la Chine et ce dans l’optique des élections présidentielles de novembre, ce qui pourrait émouvoir un peu les marchés mais ne risque pas, selon nous, de les perturber outre mesure.
A moyen terme, il ne faut pas non plus être doté de dons de voyance pour comprendre que les pressions demeureront dans l’ensemble déflationnistes entraînant le maintien d’une politique monétaire accommodante tirant toujours les taux longs vers le bas.