Le bal des banquiers centraux n’a pas été de tout repos la semaine dernière. Les récents chiffres d’inflation aux Etats-Unis militaient pour une certaine prudence de la part de la Fed. L’inflation CPI de novembre a, de fait, rebondi en rythme séquentiel aussi bien sur la partie totale (+0,1% en glissement mensuel vs +0% en octobre) que sur celle sous-jacente (+0,3% vs +0,2%), tirée par les services hors logement et la composante logement. Pour autant, Jerome Powell a adopté un ton particulièrement accommodant et a offert au marché le tant attendu pivot ! Prenant acte du ralentissement de l’inflation un cran plus rapide qu’attendu, la Fed a laissé la porte ouverte à plusieurs baisses des taux directeurs l’année prochaine (3 selon les dot plots). A noter néanmoins, ce calendrier est encore loin des attentes assez agressives du marché de plus de 125 bps de baisse en 2024 dont la toute première dès mars. Si certains expliquent ce pivot inattendu par les récents sondages aux Etats-Unis qui sont assez peu flatteurs pour Joe Biden, notamment dans certains Etats clés, le climat était en tout cas à l’euphorie sur les marchés actions et crédit tandis que les taux se sont, encore une fois, nettement détendus. Le 10 ans américain est ainsi passé sous la barre des 4% tandis que le 10 ans allemand termine la semaine aux environs de 2%.
En Europe, les banques centrales ont adopté une posture très différente : l’heure n’était clairement pas au pivot. Si la Banque de Norvège a créé la surprise en relevant ses taux directeurs, les autres banquiers centraux (BCE, BoE et BNS) ont opté, de nouveau, pour une pause sur fond de prudence quant à la vitesse de désinflation. Plusieurs points d’attention du côté de la BCE : 1/Christine Lagarde a explicitement mentionné que les baisses de taux n’étaient pas un sujet de discussion (« pas de discussion, pas de débat sur cette question »), 2/elle a également clairement indiqué que la chute des taux souverains des dernières semaines était excessive, 3/enfin, le resserrement monétaire a même été renforcé d’un cran par le biais de la réduction accélérée de la taille du bilan. L’enveloppe de titres financiers détenus dans le cadre du PEPP est amenée à être réduite à partir du S2-2024, à raison de €7,5 Mds de titres arrivant à échéance non-réinvestis chaque mois avant d’interrompre tous les réinvestissements en 2025. Notons aussi que la BCE a abaissé ses prévisions de croissance et d’inflation anticipant désormais une inflation moyenne de 2,7% et une croissance du PIB de 0,6% en 2024. Les indicateurs PMI, publiés vendredi, confirment d’ailleurs ce ralentissement de l’activité, en particulier en France qui déçoit sur tous les fronts (PMI manufacturier à 42, un plus bas de 43 mois et PMI des services qui tombe à 44,3 contre 45,4 en novembre) et en Allemagne avec un PMI composite qui chute pour le sixième mois consécutif (46,7 contre 47,8 en novembre). Les perspectives en Allemagne restent d’ailleurs moroses, notamment depuis l’annonce d’importantes coupes budgétaires en 2024 induites par la règle du « frein à l’endettement » (déficit budgétaire annuel limité à 0,35% du PIB) inscrite dans la Constitution allemande.
En Chine (zone particulièrement décevante en 2023), les derniers chiffres restent mitigés. Les ventes au détail ainsi que la production industrielle ont largement rebondi en novembre (+10,1% et +6,6% en glissement annuel) grâce à des effets de base importants mais l’investissement reste sous pression, en particulier dans le secteur immobilier où les prix des logements neufs et existants poursuivent leur baisse en novembre (respectivement -0,4% et -0,8% en glissement mensuel). Vendredi, la Banque populaire de Chine (PBOC) n’a cette fois pas lésiné sur les moyens pour relancer l’économie et a annoncé injecter un montant record de liquidités (€ 187 Mds) dans le marché par le biais de prêts à un an. Si plus de détails sont attendus sur le niveau de relance budgétaire, l’assouplissement monétaire de la banque centrale constitue un signal positif, mais cela sera-t-il suffisant pour sortir le pays de la déflation ?
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