Le débat sur le retour de l’inflation est une marotte qui revient régulièrement sur les marchés financiers. Car, si la baisse de l’inflation observée sur un cycle long est un phénomène structurel qui s’explique notamment par la mondialisation de l’économie (internationalisation des chaînes de production qui a un effet à la baisse sur les coûts de production) et par le vieillissement des populations, toute hausse des anticipations ou des chiffres d’inflation constitue un market moover important voire violent des marchés. Début 2018, par exemple, les craintes d’un retour de l’inflation avaient poussé les taux fortement à la hausse (le 10 ans allemand avait ainsi doublé passant de 40 bps à 80 bps) entraînant une sévère correction des marchés actions (-10% sur l’Euro Stoxx 50 en deux semaines). Si ce retour de l’inflation fait si peur c’est parce qu’il induit un changement de paradigme de notre environnement de marché. En effet, une hausse de l’inflation conduirait à une hausse des taux dans une économie biberonnée à la dette et aux liquidités amenant ainsi les valorisations à des niveaux records.
C’est aux Etats-Unis où le risque de surchauffe inquiète le plus avec l’arrivée prochaine du nouveau plan de relance voulu par Joe Biden (qui sera ensuite suivi par d’autres stimuli, sur les infrastructures par exemple), un redémarrage dynamique de l’économie, qui sera accéléré par le succès de la campagne de vaccination, et une Fed toujours aussi accommodante, que certains jugent déjà « behind the curve ». Les récentes déclarations de Jerome Powell ne militent pourtant pas pour un changement de politique monétaire. Seule une amélioration notable du marché de l’emploi, que la Fed a remis au cœur de son mandat (ou un dérapage de l’inflation durablement au-delà de 2%), pourrait la pousser à agir. Toutefois, pour le président de la banque centrale, il faudra « des années » pour retrouver le plein emploi et les chiffres réels du chômage seraient plus proches de 10% (en tenant compte des erreurs de classification et de la baisse du taux de participation) que des 6.3% publiés.
A court terme, les pressions à la hausse attendues sur l’inflation résultent de facteurs essentiellement techniques : hausse des prix des matières premières et notamment du pétrole, tensions sur les prix des transports et difficultés d’approvisionnement qui pèsent sur les chaînes de production. Pour le moment, cette hausse des prix de production n’a pas encore été répercutée aux consommateurs mais vient plutôt diminuer les marges des entreprises. La publication des chiffres de l’inflation américaine en dessous des attentes montre bien que la crise de la Covid-19 reste déflationniste (restrictions toujours en cours et marché de l’emploi toujours dégradé) et pèse sur un rebond plus rapide de l’inflation. Cependant, si un retour de l’inflation vers 2% (voire au-dessus) reste attendu, le principal risque ne réside pas tant dans cette hausse que dans une erreur de communication des banques centrales (risque de taper tantrum).