On connaissait le décalage de dynamique entre les Etats-Unis et l’Europe, mais la publication des PIB pour le premier trimestre de cette année est venue montrer son ampleur. Portée par une levée plus rapide des contraintes sanitaires mais, surtout, par un soutien budgétaire massif, l’économie américaine s’est inscrite en croissance de +6.4% sur le trimestre (en rythme annuel), relativement en ligne avec le consensus. Cette croissance, qu’on pourrait presque qualifier de chinoise, est naturellement tirée par les dépenses de consommation qui ont explosé de +10.7% et contribuent pour plus de 7 points à la croissance du PIB. Dans le détail, les ménages américains ont essentiellement porté leurs achats sur les biens (+23.6% sur le trimestre), notamment les biens durables (+41.4% !), alors que la croissance dans les services est restée plus modeste (+4.6%). Autre facteur important de soutien, les dépenses publiques qui progressent de +6.3% sur le trimestre et contribuent pour plus d’un point à la croissance du pays. Seule ombre au tableau, les goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement ont forcé les entreprises à tirer sur leurs stocks pour faire face à la demande, ce qui a impacté négativement la croissance (-2.6 points). Le PIB américain (en nominal) n’est ainsi plus qu’à 0.86% de son niveau de fin 2019, ce qui implique que l’économie américaine aura totalement effacé les dégâts de la crise sanitaire dès ce trimestre ! Naturellement, il sera difficile pour les Etats-Unis de tenir ce rythme sur la longueur, ne serait ce qu’au niveau de la consommation de biens même si les services et les secteurs du tourisme / voyages pourraient prendre une partie du relais. En effet, à cause des difficultés de production, certains pans de l’industrie vont être temporairement impactés, ce qui diminuera la consommation. Le constructeur automobile Ford s’attend, par exemple, à réduire sa production de 50% sur le second trimestre du fait du manque de semi-conducteurs.
Face à cette bonne dynamique, la position de la banque centrale américaine va devenir de plus en plus intenable. Car, si Jerome Powell a une nouvelle fois passé son tour lors de la réunion de politique monétaire de la Fed de la semaine dernière, en arguant que les objectifs, de chômage et d’inflation, n’étaient pas encore atteints et en repoussant le débat sur une réduction du soutien monétaire, des voix dissidentes commencent à se faire entendre. Robert Kaplan, président de la Fed de Dallas et membre votant du FOMC, a ainsi lancé le débat sur le timing du tapering (et donc de la hausse des taux) en estimant qu’« il serait opportun de commencer à parler de l'ajustement de ces achats », soucieux « des excès et des déséquilibres sur les marchés financiers ». Cette petite sortie a poussé Janet Yellen à monter au créneau pour tempérer les craintes sur une hausse trop brutale de l’inflation et éviter un emballement des marchés.
De l’autre coté de l’Atlantique, on ne peut qu’observer le train partir sans pouvoir, pour le moment, s’y accrocher. La publication des PIB pour la zone euro montre en effet l’écart grandissant entre les deux zones. Seule la France résiste sur les premiers mois de l’année (+0.4%) alors que le PIB de la zone euro se contracte de nouveau (-0.6%). Ces chiffres sont néanmoins au-dessus des attentes et l’allègement à venir des restrictions sanitaire laisse entrevoir la reprise.