La crise russo-ukrainienne et ses répercussions sur la croissance et l’inflation rebattent totalement les cartes des scénarios économiques préétablis du début d’année. Soyons clairs, si l’impact sera indéniablement négatif, il est, selon nous, à ce stade, impossible d’en mesurer l’ampleur tant les incertitudes sont nombreuses et les effets de bord probables. Les prévisions de croissance, encore sûrement surestimées, sont progressivement revues à la baisse et l’impact de la crise sur le PIB mondial pour 2022 sera surement supérieur à 1%, même si la crise de la covid nous a montré que les Etats et les banques centrales avaient les armes pour en atténuer l’impact.
Du côté des banques centrales justement, celles-ci se trouvent actuellement dans une situation délicate. Engagées dans une phase de resserrement monétaire pour juguler l’inflation, inflation renforcée par la forte hausse du prix des matières premières liée à la situation géopolitique, elles doivent maintenant intégrer un scénario de ralentissement économique avec assez peu de visibilité, le risque étant de remonter les taux et de restreindre ainsi les conditions de financement alors que les risques sur la croissance augmentent. Si les marges de manœuvre des banques centrales sont assez limitées, d’autant plus que les outils à leur disposition ont assez peu d’impact sur les goulets d’étranglement ou la flambée des prix des matières premières, la crise actuelle a néanmoins permis de réduire les anticipations (assez agressives) des investisseurs sur les hausses de taux à venir ce qui va de facto donner aux banquiers centraux plus de latitude (et moins de pression) dans leur phase de resserrement monétaire.
Du côté de la Fed, la crise actuelle ne devrait pas remettre en cause outre mesure le resserrement monétaire. Jerome Powell, qui s’exprimait la semaine dernière devant le Congrès, s’est, en effet, déclaré « enclin à proposer et à soutenir une hausse des taux de 25 bps » pour lutter contre la hausse de l’inflation, actant implicitement un tel mouvement lors de la réunion du 16 mars, tout en étant ouvert à des hausses de 50 bps lors des prochaines réunions si cela se révélait nécessaire. Les données sur l’emploi, passées un peu à la trappe vendredi dans le contexte actuel, militent pour ce scénario.
La BoE devrait également suivre le même chemin le 17 mars en augmentant une nouvelle fois ses taux directeurs de 25 bps, même si le quantitative tightening actif (vente de titres au bilan pour accélérer sa baisse) qu’elle souhaitait mettre en place dès que les taux seraient à 1% pourrait être décalé.
Pour la BCE, qui tient sa réunion de politique monétaire cette semaine, la situation est plus complexe car la zone est plus directement impactée par la situation russo-ukrainienne. Si les insinuations (et les non-dits) de Christine Lagarde en février militaient pour une BCE plus hawkish, elle pourrait finalement se rattraper aux branches des décisions de décembre qui prévoyaient une augmentation de l’APP (pour compenser le PEPP) jusqu’à la fin de l’année avant un possible premier relèvement de taux en 2023.
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