Il y a tout pile neuf ans, en pleine crise de la zone euro, Mario Draghi, alors président de la BCE, sauvait la monnaie unique en une seule phrase : « whatever it takes ». Les taux 10 ans allemands, déjà depuis plusieurs décennies en baisse, étaient alors au-dessus de 2% … avec la suite que l’on connaît.
Après des années de Quantitative Easing et d’assouplissement monétaire, les débats autour de la hausse des taux, tout comme ceux sur la hausse de l’inflation, reviennent régulièrement sur les marchés. De la même manière que les arbres ne montent pas au ciel, les taux remonteront donc bien peut-être un jour… mais force est de constater que ce n’est clairement pas pour demain en Europe, comme le confirme le changement de communication de la BCE lors de sa dernière réunion de politique monétaire. Si la réunion de la banque centrale de juillet n’est généralement pas la plus palpitante, celle de la semaine dernière s’inscrivait dans la continuité du changement de stratégie présenté par l’institution européenne en début de mois. Pour mémoire, Christine Lagarde avait entrepris, à son arrivée, une revue de la stratégie de politique monétaire de la banque centrale, un peu à l’instar de ce qu’avait fait la Réserve fédérale américaine. Plus qu’une réelle révolution, ce toilettage modifie essentiellement la cible d’inflation qui passe du sempiternel « proche de mais au-dessous de 2% » à « un objectif d’inflation symétrique fixé à 2 % à moyen terme ». Cette nouvelle définition de la cible se veut plus flexible et fait disparaître l’idée d’un plafond d’inflation au-delà duquel la banque centrale serait contrainte de durcir sa politique monétaire. Cette évolution, qui sous-tend que la BCE est prête à accepter « modérément » des dépassements temporaires de la cible de moyen terme renforce son positionnement accommodant.
La réunion de la semaine dernière était donc l’occasion de passer de la théorie à la pratique et d’adapter la communication à la nouvelle stratégie de politique monétaire. La BCE a donc modifié sa forward guidance sur les taux directeurs, prévoyant désormais qu’ils resteront « à leur niveau actuel ou à des niveaux plus bas » jusqu’à ce que les prévisions d’inflation atteignent 2% « bien avant la fin de l’horizon d’investissement » (ici 2023, pour rappel la BCE met à jour ses prévisions macroéconomiques en mars, juin, septembre et décembre pour les trois prochaines années). Problème : les prévisions d’inflation à long terme (2023) de la BCE ne sont que de 1.4% et n’ont même pas été revues à la hausse lors de la mise à jour des prévisions économiques de juin alors que les taux sont proches de leur « niveau plancher » et que la planche à billets tourne déjà à plein régime. On notera d’ailleurs, non sans ironie, que la notion de « niveau plancher » n’empêche pas le communiqué de mentionner « des niveaux plus bas » pour parvenir à la cible d’inflation … Bref, la hausse des taux n’est donc pas pour demain.
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