La publication mensuelle des chiffres de l’emploi américain était, une nouvelle fois, très attendue, d’autant plus après les données en demi-teinte du mois précédent, ressorties largement sous les attentes. Si ces chiffres cristallisent autant l’attention des investisseurs ces temps-ci, c’est qu’ils restent encore largement dégradés par rapport à leurs niveaux pré-covid, avec près de 7,6 millions d’emplois encore non retrouvés, alors même que tous les indicateurs d’activités pointent à des niveaux records. Mais si ces chiffres sont autant scrutés, c’est également, et surtout, car c’est l’un des derniers verrous au maintien de la politique accommodante de la banque centrale américaine. Jerome Powell martèle, en effet, depuis plusieurs mois que le marché de l’emploi américain reste encore très dégradé, attendant 1 million de créations par mois, pendant plusieurs mois, pour juger des progrès du marché de l’emploi et de l’atteinte des objectifs de la Fed et réussissant, au passage, à canaliser presque totalement les craintes sur l’inflation.
De l’aveu même du BLS (Bureau of Labor Statistics), les changements de structure du marché de l’emploi sont importants, notamment du fait de changements de comportements, ce qui rend les prévisions et les calculs difficiles. Pour preuve, les attentes des analystes, pour les créations d’emplois du mois de mai, allaient quasiment du simple au triple pour un consensus à 675k. Finalement, les créations d’emplois sont, une nouvelle fois, sorties en deçà des attentes à 559k, tirées par les services (+489k), et plus particulièrement les secteurs du loisir et de l’hôtellerie (qui comptent pour près de 60% des créations d’emplois dans les services). Si ces chiffres traduisent une amélioration du marché de l’emploi américain, on aurait néanmoins pu s’attendre à mieux du fait de la réouverture quasi complète de l’économie américaine, d’autant plus que ces secteurs affichent encore entre 35% et 50% de destructions d’emplois par rapport à leur niveau de février 2020. Dans le détail (cf. graphique de la semaine), ce sont les emplois les moins bien rémunérés qui peinent à retrouver leur niveau d’avant crise. En cause, les allocations chômages parfois plus élevées que le salaire proposé mais également le fait que ces emplois, généralement peu qualifiés, ne sont pas possibles en télétravail ce qui freine le retour à l’emploi (écoles fermées, peur du virus, …). Ces tensions ont été confirmées par le Beige Book de la Fed qui décrit les difficultés pour les entreprises à recruter sur les plus bas salaires, les poussant à revoir à la hausse leur salaire minimum.
Si la publication des chiffres de l’emploi américain offre donc encore un peu de répit à la Fed, et aux taux d’intérêt, on devrait néanmoins assister à un rebond plus marqué du marché de l’emploi dans les mois à venir du fait d’une amélioration croissante de la situation sanitaire, qui enlèvera les derniers freins pour les salariés encore réticents, et avec la fin de certaines aides d’urgence spécifiques aux chômeurs (comme c’est déjà le cas dans 22 Etats républicains qui ont supprimé les aides votées au début de la crise).