Le marché se serait-il, une nouvelle fois encore, un peu trop emballé sur les prévisions de baisses des taux directeurs ? La publication du rapport sur l’emploi de septembre aux États-Unis a en tout cas rappelé aux investisseurs que l’économie américaine était encore loin de l’atterrissage attendu, entrainant dans la foulée un repricing assez important des taux d’intérêt (respectivement +36 bps et +22 bps pour le 2 ans et le 10 ans américains). Si un tel mouvement sur les taux reste exceptionnel (quoique plus fréquent ces dernières années), il vient corroborer une récente étude de Bank of America selon laquelle le rapport sur l’emploi serait historiquement la publication macroéconomique la plus impactante pour les marchés financiers. Cela peut néanmoins paraître cocasse quand on sait que ces publications font régulièrement l’objet de révisions significatives dans les mois qui suivent.
Ainsi, dans le détail, les créations d’emploi pour le mois de septembre sont ressorties très largement au-dessus des attentes (254k contre 150k attendu) avec une révision à la hausse des chiffres de juillet et d’août (72k en plus au total). Si les rapports de septembre sont généralement sujets à plus d’ajustements saisonniers (retour au travail des enseignants et fin des emplois saisonniers) ce qui pourrait donc amener à une révision baissière ultérieure, il n’en demeure pas moins que la tendance des créations d’emploi depuis le mois de juin est clairement inscrite à la hausse. Dans le même temps, les salaires ont progressé légèrement plus que prévu (4% sur un an contre 3.9% en août) mais leur variation reste conforme à l’objectif de la Fed (ajusté des gains de productivité). Au global, avec une hausse limitée de la population active sur le mois, le taux de chômage s’inscrit une nouvelle fois en baisse à 4.1% après le point haut de juillet à 4.3%. Si nous considérons que cela ne remet pas fondamentalement en cause le ralentissement du marché du travail américain (faible taux d’embauche et de démission par exemple), ce rapport met néanmoins à mal les prévisions de baisses de taux agressives de la Fed pour la fin d’année et milite donc pour des baisses de seulement 25 bps pour les FOMC de novembre et décembre.
Alors que la croissance américaine ne cesse de surprendre positivement publication après publication, comme en témoignent une nouvelle fois les derniers indicateurs d’activité de l’ISM Services, la croissance de la zone euro, qu’on attendait pourtant en accélération sur l’année, fait quant à elle grise mine. La prochaine réunion de la BCE est dans 10 jours et, si cela ne faisait pas consensus au départ, l’institution européenne devrait très « probablement » (dixit François Villeroy de Galhau) baisser ses taux directeurs. A être trop attentiste, la BCE se retrouve dorénavant clairement derrière la courbe et doit donc agir rapidement si elle veut préserver la croissance de la zone euro, d’autant que les chiffres d’inflation sont tombés pour la première fois en plus de trois ans sous les 2%. Bien que les effets de base devraient la faire remonter d’ici la fin d’année, la BCE serait bien inspirée, comme la Fed, de modifier, ou d’équilibrer ses priorités (inflation / croissance même si, contrairement à la Fed, l’emploi, et donc la croissance, ne fait pas officiellement partie de son mandat).
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