Aux Etats-Unis, les chiffres d’inflation publiés pour septembre sont, une nouvelle fois, ressortis à des niveaux élevés, au-delà des objectifs de la Fed. Cependant, et c’est un élément positif, ils restent, depuis maintenant plusieurs mois, sur un plateau et en ligne avec les attentes du consensus, ce qui contribue finalement à une relative accalmie sur les taux alors que l’inflation globale ressort à 5,4% sur un an (contre 5,3% en août). Face à ce « plateau » inflationniste, les membres de la Fed sont partagés sur le risque de durabilité du phénomène et les possibles effets de second tour (augmentation prix / salaires), comme en attestent les dernières minutes du FOMC. Concernant le risque de durabilité de l’inflation, il reste étroitement lié aux dysfonctionnements des chaînes d’approvisionnement dus à la crise sanitaire. Réunis à Washington pour les réunions du FMI, du G20 et du G7, les principaux pays ont appelé à des actions pour s’attaquer aux problèmes d’approvisionnement actuels. Selon David Malpass, le président de la Banque Mondiale, 8,5% du transport mondial de conteneurs seraient bloqués dans ou autour des ports, soit le double de la situation de janvier. Pour s’attaquer au problème, la Maison Blanche a, par exemple, annoncé une extension du travail de nuit et le week-end dans le port de Los Angeles, où transitent 40% des conteneurs destinés au pays. Mais cette situation pourrait encore perdurer 6 à 9 mois selon la BPA (Association des ports britanniques), où la saturation des ports oblige les navires à se détourner vers l’Europe. Si l’inflation devrait donc rester sur des niveaux élevés du fait des problématiques logistiques et de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, il est intéressant néanmoins de noter que les prix de certains biens, qui avaient contribué à la hausse de l’inflation en début d’année, sont en train de se retourner, comme sur l’automobile, l’aviation ou les hôtels, notamment à cause de la résurgence du variant Delta pendant l’été. Pour le moment, le consommateur américain a plutôt tendance à reporter ses achats devant la hausse des prix (selon une étude de Morning Consult) et n’entre pas ainsi dans une « psychologie inflationniste » (achats avancés en anticipation d’une hausse plus importante des prix) qui pourrait accélérer le déséquilibre offre / demande. Sur le risque d’effets de second tour, les tensions sur le marché du travail sont certaines comme en attestent les derniers sondages de la NFIB (association des petites entreprises américaines) avec une augmentation des salaires, surtout pour les plus modestes. Cependant, certains indicateurs, comme le suivi de la croissance des salaires de la Fed d’Atlanta ou l’indice des coûts de l’emploi, n’indiquent pas encore un dérapage de l’inflation salariale. Par ailleurs, les indices de confiance des consommateurs ont plutôt tendance à montrer une détérioration des attentes de revenu corrigé de l’inflation.
Les débats sur l’inflation devraient donc continuer. Les publications de résultats d’entreprises pour le troisième trimestre donnera une meilleure image de l’impact de la hausse des prix sur les marges des sociétés et pourrait servir de catalyseur, positif ou négatif, à court terme pour les marchés.
A moyen terme, d’aucuns s’inquiètent de la combinaison d’une inflation durable avec des prévisions de croissance revues en baisse. Dans son dernier rapport d’octobre 2021, le FMI alerte sur un monde à deux vitesses avec une Chine et des pays émergents et en voie de développement ne parvenant pas à retrouver leur trajectoire de production pour 2024 telle qu’estimée avant la crise de la Covid-19. De là à parler de stagflation, il n’y a qu’un pas à franchir mais il nous semble un peu trop tôt pour le faire à ce stade.