La réunion de politique monétaire de décembre est également l’occasion pour la BCE de revoir son scénario macroéconomique. L’institution européenne a ainsi revu à la baisse ses prévisions de croissance pour la zone euro, aussi bien pour cette année (-0.1% à 0.7%) que pour les deux suivantes (respectivement -0.2% et -0.1% à 1.1% et 1.4%). Les derniers indicateurs d’activité font toujours état d’une contraction de l’activité dans le secteur manufacturier et d’un ralentissement dans les services, et ce, malgré la solidité du secteur du tourisme qui a permis de tirer la croissance à la hausse sur le troisième trimestre. Globalement la zone euro souffre du manque de compétitivité de son industrie qui empêche un rebond durable de la croissance. La hausse des salaires et la résilience du marché de l’emploi devraient néanmoins permettre de soutenir la consommation. Ainsi, si la BCE mise toujours sur une reprise de la croissance, celle-ci est plus lente qu’attendu et les risques restent orientés à la baisse. Du côté de l’inflation, le discours se veut en revanche plus rassurant. Sans reconnaitre encore la mission comme accomplie, le Conseil des gouverneurs considère que « l’inflation est en bonne voie pour atteindre » la cible des 2%. Surtout, alors que la crainte persistait sur les impacts des tensions salariales, la BCE a maintenant la certitude que les entreprises n’ont plus le pricing power nécessaire pour augmenter leurs prix de vente, qui engendrerait une boucle « prix- salaire », et doivent donc se résoudre à impacter leur marge.
Moins d’inflation et peu de croissance : la messe est dite. La BCE opte donc pour un virage plus dovish en actant qu’une politique monétaire restrictive n’est plus nécessaire (i.e. la phrase clé suivante a ainsi été retirée du communiqué final : « le Conseil des gouverneurs conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif, aussi longtemps que nécessaire, pour atteindre cet objectif »). Concrètement, cela signifie que la BCE va ramener ses taux directeurs vers le taux neutre, estimé en moyenne à 2%. Après avoir déjà baissé quatre fois le taux de dépôt de 25 bps depuis juin (en incluant la réunion de la semaine passée) pour le porter à 3%, la BCE devrait donc continuer sur ce rythme a minima jusqu’en juin prochain (quatre réunions d’ici là).
Et pourtant… Malgré cette inflexion, Christine Lagarde est restée encore très (trop) prudente et a même freiné les attentes des investisseurs sur des baisses de taux trop rapides, s’évertuant à répéter les mêmes phrases : pas de chemin prédéterminé, la BCE reste « data dependente ». Alors que la porte semblait ouverte, une baisse de 50 bps a été écartée, et réservée aux situations d’urgence. Pour contenter tout le monde néanmoins, une baisse de 25 bps lors des deux prochaines réunions serait déjà actée. La présidente de la BCE a également insisté sur le manque de visibilité pour l’année prochaine. Pourtant, s’il est vrai que les conséquences du programme de Donald Trump sur l’inflation sont encore incertaines, la perspective d’une guerre commerciale ne devrait pas être très bénéfique pour la croissance, comme les problèmes politiques intrinsèques à la zone euro d’ailleurs. Entre inflation et croissance, la BCE a donc fait son choix, pour le moment.
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