Comme nous le mentionnions à travers notre dernier point macroéconomique, l’inflation met les banques centrales des pays développés dans une position inconfortable. Elles, qui essayent depuis des années voire des décennies de la raviver, se retrouvent désormais surprises par sa vigueur et sa durée. Plus habituées à gérer les périodes inflationnistes, les banques centrales des pays émergents ont été plus promptes à réagir et ont remonté leur taux d’intérêt plusieurs fois depuis le début de l’année. Mais aujourd’hui ce sont les banques centrales des pays développés qui sont prises à revers et obligées d’agir dans l’urgence. En effet, les investisseurs commencent à douter du caractère transitoire de l’inflation et de la capacité des banquiers centraux à relever leur taux d’intérêt plus tôt et plus fortement que prévu pour lutter contre l’inflation sans, pour autant, pénaliser la croissance future.
Ainsi, la Reserve Bank of Australia (RBA), « prenant acte de la hausse des taux d’intérêt mondiaux en réponse à la probabilité accrue d’une inflation supérieure » a décidé, à la hâte, de cesser sa stratégie de contrôle de la courbe des taux (notamment sur la partie courte) alors qu’il y a à peine un mois, elle répétait que les conditions nécessaires à un relèvement des taux monétaires n’allaient pas être réunies avant 2024 ! La réaction des marchés a été cinglante et le taux 2 ans australien a ainsi bondi de 0.15% à 0.77% en trois jours. Il faut remonter à 1994 pour retrouver trace d’un tel mouvement sur les taux du pays ! La banque centrale du Canada (BoC) a également surpris. Elle a mis fin prématurément à son programme d’achat d’actifs et avancé son calendrier prévisionnel de hausse des taux, la faute « aux prix plus élevés de l’énergie et aux goulets d’étranglement qui semblent être plus forts et persistants qu’attendus ». Là aussi, les taux à deux ans ont bondi de 20 points de base à 1.06%. Les interventions surprises de la RBA et de la BoC ont provoqué une contagion à l’ensemble des taux courts mondiaux.
Dans ce contexte, l’intervention de Christine Lagarde était particulièrement scrutée et elle a dû répéter que, contrairement à ce qui était « pricé » par les marchés, les conditions nécessaires à un relèvement des taux monétaires n’étaient pas remplies. Peu satisfaits par ses réponses, les investisseurs ont envoyé les taux italiens à deux ans encore plus haut, passant de -0.20% à 0% durant ces derniers jours, faisant subir au pays une hausse conséquente de son taux de financement contre les taux allemands. La FED aborde donc cette semaine une réunion à haut risque : elle doit entamer la réduction de son soutien monétaire en annonçant (enfin !) les conditions et le début du tapering, tout en rassurant les marchés financiers quant au maintien de conditions de financement favorables, et ce, malgré la persistance de l’inflation. Un véritable numéro d’équilibriste à mener pour Jerome Powell, désormais sans filet, tant le marché est devenu nerveux sur la question des taux d’intérêt et de l’inflation.
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