De MAGA à VUCA, merci Miran !

22/04/2025

1 min

« There can be a slowing of the economy unless Mr. Too Late, a major loser, lowers interest rates, now ». Alors que sa guerre commerciale a engendré un véritable mouvement de   sell-off sur les marchés, une défiance à l’endroit des Treasuries à 10 ans US et du dollar (qui perd petit à petit sa qualité de valeur refuge) ainsi que plus généralement une incertitude grandissante sur l’entrée en récession de l’économie américaine, D. Trump s’en prend une nouvelle fois à son bouc émissaire préféré :  J. Powell, qualifié de « retardataire » et d’ « immense loser ».

Prenons un peu de recul. Le paradoxe de Triffin, formulé dans les années 1960 par l’économiste R. Triffin, montre que le rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale oblige les États-Unis à maintenir des déficits commerciaux, ce qui renforce la demande pour le billet vert. Selon cette théorie, les exportations américaines se retrouvent alors moins compétitives, favorisant ainsi les importations et contribuant donc à la désindustrialisation. D. Trump et ses conseillers, comme Stephen Miran, considèrent ce mécanisme comme une cause du déclin industriel américain et leur politique protectionniste, impliquant notamment de retirer au dollar son statut de monnaie de référence, vise à redresser le déficit extérieur des Etats-Unis et à parvenir même à faire des droits de douane une source de revenus. La question pendante est donc celle de savoir si les droits de douane « réciproques » joueront leur prétendu rôle. Rien n’est moins sûr car la Chine, à laquelle les GAFAM sont notamment dépendants, fait face avec force à D. Trump et n’entend pas ployer le genou. Ainsi, la doctrine Miran, qui cherche à aboutir à de nouveaux accords du Plaza, semble relever du mirage. Surtout, à court terme, les taux souverains américains risquent de continuer à en souffrir et l’objectif de réindustrialisation affiché par D. Trump peut se heurter tout simplement au manque de main d’œuvre qualifiée aux Etats-Unis ! En résumé, D. Trump prend ici un pari bien risqué et les avertissements de Jamie Dimon ou de Ray Dalio semblent ne pas être suffisants. Ray Dalio a d’ailleurs résumé les craintes ambiantes, avec un alarmisme un tantinet exagéré le 13 avril dans l’émission « Meet the Press » de NBC, en évoquant un « breaking down of the monetary order » et une issue « worse than a recession ». De quoi atteindre l’hubris de notre Gatsby le Magnifique de Mar-a-Lago ? Pas certain.

Son orgueil aura néanmoins été piqué la semaine dernière par le président de la Fed qui a indiqué vouloir prendre son temps face à une hausse des droits de douane plus forte qu’anticipé. Interrogé sur le fameux « Fed Put », il a été catégorique : ce n’est pas à l’ordre du jour. Une position qui n’a pas du tout plu à Donald Trump, lequel a même laissé entendre qu’il envisageait de remplacer J. Powell : « Si je veux qu’il parte, il partira vite fait, croyez-moi ». En théorie, un président américain ne peut pas révoquer le président de la Fed sans motif valable et sans l’appui de la Cour Suprême et la nomination de son remplaçant doit être validée par le Sénat. En pratique, D. Trump pourrait continuer  à tacler J. Powell pendant l’année qui le sépare de la fin de son mandat et cette remise en cause de l’indépendance de la banque centrale inquiète fortement les marchés financiers... La semaine passée, le S&P 500 a perdu 1,5% et le Nasdaq 2,6% alors que le métal jaune a continué sa folle progression. Toujours est-il que D. Trump a échoué, à ce stade, à pousser la Fed à baisser fortement ses taux ce qui risquerait de créer une pression inflationniste alors qu’elle est déjà alimentée par la guerre commerciale.

En Europe, la BCE a abaissé ses trois taux directeurs de 25 bps, comme attendu par le consensus. Il s’agit de la 7ème baisse en un an. L’agressivité croissante de Washington a conduit à une décision unanime d’agir. Les tensions commerciales constituent, selon Christine Lagarde, une “incertitude hors norme” pesant sur les perspectives économiques qui justifient une approche « data-dependent and meeting-by-meeting ».

Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity…, cet acronyme d’origine militaire trouve tout son sens malheureusement.

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Sébastien GRASSET

Directeur Général - Directeur de l'Asset Management

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