Expression employée par Frédéric Beigbeder dans « Une vie sans fin » particulièrement pertinente pour illustrer les excès que nous vivons depuis l’émergence de la crise sanitaire. Elle a été le révélateur de certains aspects de l’inconséquence de nos économies et de nos sociétés développées puis de notre paranoïa (sentiment exacerbé de peur, pourtant naturel, face à la crainte de voir nos proches emportés par ce virus qui ne connaît pas les frontières).
Dans le registre de l’inconséquence, que dire du combat entre hedge funds et « robinhooders » ? La bataille du « short squeeze » laissera sans doute des traces. La progression du cours de l’argent (près de 19% depuis le milieu de semaine dernière), marché auquel les « robinhooders » organisés s’attaquent désormais, témoigne de l’ampleur de ce nouveau phénomène. Toujours dans le même registre, il convient d’admettre que la progression forte des marchés financiers a sans doute trop anticipé une réouverture rapide des économies et un déploiement optimal de la politique vaccinale. Or, sans verser dans le registre de la paranoïa, l’effet préventif des vaccins risque d’être moindre que celui anticipé et ce pour plusieurs raisons : réserves sur le vaccin d’AstraZeneca émises par de nombreux pays ou encore doutes sur l’efficacité des vaccins contre certains variants (dont le sud-africain). La déclaration du PDG de Pfizer sur le fait que les nouveaux variants pourraient rendre son vaccin inefficace finit de noircir le tableau. Une chose semble néanmoins sûre : le consensus au sein de la communauté scientifique reconnaît la réduction des formes graves de la maladie grâce à l’effet des vaccins.
Quittons les sentiments d’inconséquence et de paranoïa pour aboutir à deux constats objectifs devant nous amener à davantage de prudence dans les prochaines semaines : (i) le durcissement des contraintes sanitaires dans le monde a abouti à une inflexion de la croissance chinoise, les indices PMI chinois pour le mois de janvier (officiels et de Caixin) montrant que l’industrie chinoise subit clairement une baisse de la demande (avec des flux à l’export en contraction ; ce fléchissement de l’activité en Chine se retrouve dans le graphique de la semaine : indice PMI officiel de janvier à 51,3 contre 51,9 en décembre) et (ii) l’administration Biden vit son baptême du feu puisqu’elle doit composer rapidement avec des sénateurs républicains pour parvenir à un accord sur un plan de relance budgétaire dont il apparaît déjà qu’il sera en deçà des 1900 MM$ envisagés (sans doute plus proche des 1500 MM$) et dont on connaît l’impérieuse nécessité pour soutenir la consommation des ménages américains.
En Europe, les données macroéconomiques attendues demain seront particulièrement intéressantes, car, même si les chiffres du PIB du T4 2020 ont été moins négatifs que prévus, le renforcement des mesures de restriction au sein de l’Union Européenne devrait impacter négativement les économies du vieux continent. Cette prudence se retrouve dans les déclarations d’Isabel Schnabel (membre allemande du directoire de la BCE) qui, commentant le fort rebond de l’inflation allemande en janvier (+1%), a précisé qu’elle n’avait pas de visibilité sur une hausse des taux directeurs et (lapalissade) qu'une telle hausse « dans l'environnement actuel aurait un impact dévastateur, ce que personne ne peut souhaiter ».
Sans tomber dans l’un ou l’autre des comportements excessifs visés en intitulé de ce point hebdomadaire, gardons à l’esprit une règle d’or : rester de manière agile dans le marché. Cette règle trouve quelques facteurs de soutien qui permettent d’être optimistes : soutien indéfectible des banquiers centraux, du moins pour cette année, et soutien des flux de marchés. Céder à l’inconséquence spéculative ou à la paranoïa défensive n’a évidemment pas de sens.