“This is a commercial solution, not a Bail Out ”, quelle étrange formulation employée par la ministre des finances suisse pour qualifier l’acquisition de Credit Suisse par sa concurrente UBS au prix de 3 Mds CHF avec le soutien du gouvernement qui garantira au passage jusqu’à 9 Mds CHF de pertes futures ! Cela s’ajoute à une autre étrangeté dans ce dossier : l’intervention maladroite, la semaine dernière, du président de la Banque nationale saoudienne, premier actionnaire du groupe, qui, interrogé sur un nouvel apport de capital, a répondu au journaliste « absolutely not », déclenchant une perte de confiance massive alors que la banque était déjà fragilisée par les récents déboires des banques régionales américaines.
Bail Out ou non (peu importe), le soutien de l’Etat a déclenché une annulation de la valeur nominale de toutes les obligations Additional Tier 1 (AT1 - des quasi fonds propres) de Credit Suisse pour un volume de 15,8 Mds CHF. L’annonce a constitué une réelle onde de choc sur le segment des AT1 qui a depuis fortement chuté. Le mouvement semble assez logique, c’est environ 7% du marché des AT1 qui a été effacé en un week-end et le non-respect de la hiérarchie des créanciers est très étonnant avec des actionnaires (créanciers les plus juniors dans la structure de capital) mieux traités que les porteurs d’obligations AT1 ! Soyons rassurés cependant, Credit Suisse semble être un cas isolé et atypique. Les prospectus des obligations AT1 de Credit Suisse se distinguent par une clause de « Viability Event », permettant l’intervention du régulateur suisse pour annuler la dette de façon totale et non temporaire. Le contexte est bien différent en Europe, le régulateur n’ayant pas à sa disposition une telle clause et la majorité des AT1 stipulant dans leur prospectus une conversion en actions ou la dépréciation du nominal, mais la plupart du temps, au prorata des pertes/besoins et assortie d’une clause de retour à meilleur fortune. Ce matin, le régulateur européen a d’ailleurs tenu à rassurer le marché, rappelant que les actionnaires devaient enregistrer des pertes avant les porteurs d’AT1, confirmant ainsi que la hiérarchie des créanciers demeure intacte en Europe. En prenant un peu de hauteur, les évènements du week-end sur le dossier Credit Suisse et les précisions intervenues ce lundi constituent une bonne nouvelle pour le système bancaire européen dans son ensemble. Si cette intervention du régulateur suisse est pour le moment accueillie de façon mitigée, elle renforce tout de même la stabilité financière et confirme qu’en cas de difficultés fortes, le « too big too fail » tient encore à ce stade. Les autorités n’hésitent d’ailleurs pas à multiplier les mesures de soutien afin de rétablir la confiance, à l’image de l’action coordonnée des principales grandes banques centrales (Fed, BCE, BoE, BoJ, BNS et BoC) ce week-end, qui ont réactivé des « lignes de swaps » de dollars quotidiennes visant à assurer la liquidité à court terme en dollar des marchés interbancaires.
Dans ce contexte compliqué, ne perdons pas de vue le cycle de resserrement monétaire. Les craintes liées au système bancaire ont entraîné, la semaine dernière, un puissant phénomène de flight-to-quality sur les taux, signe que les investisseurs anticipent un potentiel pivot des banques centrales. Cela n’a, en tout cas, pas été le cas de la BCE, jeudi dernier, qui n’a pas changé de cap et a acté une hausse de 50 pb des taux directeurs afin de poursuivre la lutte contre l’inflation. L’institution ne s’est toutefois pas engagée sur la suite, afin de tenir compte de l’environnement financier. Mercredi, la Fed, va-t-elle ouvrir le bal d’une accalmie sur le front des hausses de taux ? Rien n’est moins sûr. L’exercice sera en tout cas délicat. L’institution devra, en effet, jongler entre une inflation toujours élevée (+0,5% en février en rythme mensuel pour le CPI core) et la menace d’une éventuelle contagion financière.
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