Quelle dualité ! Le vaccin nous tend les bras, les premières doses seront d’ailleurs administrées d’ici la fin d’année au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, laissant entrevoir un rebond de l’économie pour l’année prochaine et pourtant nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que nous marchons sur une ligne de crête pour encore quelques semaines / mois en espérant ne pas tomber du mauvais côté.
Comme lors de la première vague, avec un décalage par rapport à l’Europe, les Etats-Unis subissent un nouveau pic épidémiologique. La situation, probablement aggravée par les rassemblements familiaux de Thanksgiving, empire dangereusement. Les nouvelles contaminations et le nombre de décès ont atteint de nouveaux records, obligeant les autorités à réinstaurer des confinements ciblés. La reprise économique américaine montre des signes d’essoufflement comme l’illustre la baisse de l’ISM Manufacturier sur le mois de novembre (57.5 contre 59.3 en octobre), qui reste néanmoins largement en territoire d’expansion. Les chiffres de l’emploi ont également déçu, avec des créations sous les attentes (245k contre 460k attendues et 638k le mois précédent). Le marché de l’emploi américain reste durablement dégradé avec seulement 56% des emplois perdus en mars / avril retrouvés (cf. graphique de la semaine) et un chômage permanent qui a quasiment doublé depuis le début de la pandémie. Heureusement, après les nouvelles alertes de Jerome Powell et Steven Mnuchin devant le Sénat, une solution bipartisane semble se dessiner avec un plan d’environ 900 milliards de dollars permettant d’éviter un « shutdown » de l’administration le 12 décembre et de préserver les allocations chômage qui arrivent à expiration à la fin de l’année. Joe Biden aura donc du pain sur la planche pour sa prise de fonction en janvier. Notons par ailleurs cette déclaration intéressante du nouveau Président américain, qu’on aurait facilement pu attribuer à Donald Trump : « Je veux m'assurer que nous allons nous démener comme des diables en investissant d'abord en Amérique. Je ne conclurai aucun nouvel accord commercial avec qui que ce soit tant que nous n'aurons pas fait d'importants investissements ici ». Ainsi, si les premières nominations au sein de la nouvelle administration Biden pouvaient laisser penser à un retour au multilatéralisme américain, il pourrait s’agir en réalité d’avantage d’un changement de ton que d’une véritable révolution sur le fond.
Ce positionnement n’arrange pas forcément les affaires de Boris Johnson qui rêvait d’un accord commercial d’envergure avec les Etats-Unis comme alternative à l’accès au marché unique de la zone euro. Car si l’on attendait des avancées la semaine dernière sur le Brexit, il n’en a finalement rien été. De l’aveu même de Michel Barnier ce matin, devant les ambassadeurs des Etats membres, les sujets de blocage demeurent et chaque camp anticipe désormais un scénario du pire. Gageons notamment que les nouvelles annonces de la BCE ce jeudi, pour soutenir l’économie (ou plutôt les marchés), permettront d’attendre le déploiement massif du vaccin.