Nos Rendez-Vous du Lundi

La Fed a-t-elle trop attendu ?

Rédigé par Romane Ballin | 5 août 2024 15:58:52

En ce mois d’août, l’heure est clairement à l’assouplissement monétaire. La BoE a ainsi abaissé, à son tour, son taux directeur de 25 bps à 5% tandis que la Fed a maintenu le statu quo mais a laissé la porte grande ouverte pour une première baisse en septembre. On se souvient de cette célèbre phrase de Jerome Powell, répétée à maintes reprises : « It depends on data ». Au vu de la trajectoire de désinflation vers la cible de 2% (indice PCE qui est tombé en juin à 2,5% sur un an), il n’est donc pas étonnant que l’institution change son fusil d’épaule. Encore une fois, les membres ont néanmoins préféré attendre davantage de statistiques évoluant en ce sens avant d’agir. L’attente n’aura pas été longue. Il aura fallu moins de 48h, cette fois, pour qu’une salve de chiffres confirme le ralentissement aux États-Unis. Nous avons d’abord eu l’ISM manufacturier qui a fortement reculé à 46,8 contre 48,5 en juin et 48,7 en mai, alors que les économistes tablaient sur une stabilisation à 48,9. Plus marquant encore, le Département du Travail américain a révélé vendredi que le taux de chômage a crû de 0,2 point à 4,3% tandis que les créations de postes atteignaient 114k en juillet bien en dessous du consensus de 175k ! C’est une très forte baisse après les 179k du mois dernier et il faut revenir 3 ans en arrière pour retrouver un chiffre aussi bas. A ce stade, une chose est certaine : le marché de l’emploi ne risque plus d’alimenter l’inflation et la Fed devrait pouvoir baisser ses taux. D’autant plus que l’institution dispose d’un double mandat : des prix stables et le plein-emploi. Elle a d’ailleurs rappelé dans son communiqué que le comportement du marché du travail sera suivi avec attention, ce qui n’était pas clairement énoncé auparavant. Une question se pose néanmoins pour certains : la Fed se serait-elle trompée en maintenant une politique monétaire restrictive ? L’exercice est en réalité très compliqué pour l’institution qui devait jongler entre baisse trop précoce et risque inflationniste d’un côté et baisse trop tardive et risque de récession de l’autre. Pour le moment, notons tout de même que le PIB du 2ème trimestre était plus élevé que prévu (+2,8%) tandis que la croissance des salaires réels demeure positive.

Ces interrogations ont alimenté une très nette aversion pour le risque vendredi dernier avec une forte chute des marchés actions mondiaux. Cette fois, le secteur technologique, et plus particulièrement des semi-conducteurs, n’a pas pu jouer son rôle de « secteur refuge », du fait de publications de résultats en demi-teinte. On retiendra d’ailleurs le plongeon de Intel (-28 % vendredi) qui enregistre sa plus forte baisse depuis septembre 2000. Les stratégies de carry trade (emprunter en yen pour investir dans d’autres devises) ont aussi été réduites avec un rebond violent et historique du yen face au dollar. Face à une inflation que le Japon n’avait plus connue depuis des décennies, la BoJ a relevé ses taux directeurs de 0,10% à 0,25%.  Du côté des taux souverains, sans surprise, ils ont fortement chuté avec le 10 ans américain qui a dégringolé et traitait sous le seuil de 3,8% à la clôture vendredi (-19 bps dans la journée !) pour la première fois depuis six mois. En cause, des investisseurs qui réintègrent un cycle d’assouplissement monétaire rapide, la probabilité d’une baisse de 50 bps en septembre culmine même dorénavant à environ 75% ! Sur ce sujet, nous aurons d’ailleurs des premiers éléments de réponse lors du sommet de Jackson Hole, qui commencera le 22 août.

Enfin, dans le reste de l’actualité, n’oublions pas la situation au Moyen-Orient alors que l'Iran annonce des représailles contre Israël pour avoir tué un chef du Hamas sur son sol. Le risque d’une escalade du conflit devrait se traduire cet été par un retour de la prime de risque géopolitique.

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