Dans un marché qui aime à se faire peur et qui cherche constamment une nouvelle arlésienne, le retour de l’inflation est une marotte qui revient régulièrement. Cela avait, par exemple, été le cas début 2018, quand la Fed avait surpris les investisseurs en modifiant son communiqué de presse sur l’inflation dont elle attendait alors le retour. Les marchés actions avaient alors corrigé et les taux core fortement remonté. Cependant, force est de constater que, malgré leurs efforts et les quantitative easing successifs depuis plusieurs années, les banques centrales ont échoué à tenir leur objectif. Pire, la seule inflation qu’elles ont réussi à créer a été sur les actifs financiers.
L’une des raisons à cet échec est que la baisse de l’inflation est avant tout un phénomène structurel, en place depuis plusieurs décennies : baisse des prix à la production suite à l’émergence d’une main-d’œuvre bon marché, affaiblissement du pouvoir des salariés, digitalisation, vieillissement de la population… A cela, s’ajoute des chocs exogènes déflationnistes comme la baisse du prix du pétrole ou les différentes crises économiques qui pèsent sur le marché du travail.
Après le récent changement de doctrine de la Fed, qui a remis l’emploi au cœur de ses préoccupations quitte à laisser filer modérément l’inflation, permettant ainsi de faire remonter les anticipations d’inflation, le discours de la BCE était particulièrement attendu, d’autant plus après les chiffres d’inflation du mois d’août sortis en territoire négatif (bien qu’impactés par des éléments temporaires et exceptionnels : décalage de date dans les soldes, baisse de la TVA en Allemagne…). Cependant, les marges de manœuvre de la BCE restent faibles, les taux étant déjà largement en territoire négatif et la planche à billets tournant à plein régime. Difficile dans ces conditions de faire plus, de suite, après les mesures déjà annoncées récemment pour lutter contre les conséquences de la crise du Covid-19. Si le statu quo était donc prévisible sur les sujets précités, Christine Lagarde était particulièrement attendue sur le niveau de la parité euro / dollar, en forte hausse depuis le début de l’année, et qui reste un des (derniers ?) leviers pour faire remonter les anticipations d’inflation. De ce côté-là, on peut dire que la présidente de l’institution européenne a déçu. En dédramatisant le seuil des 1.20 et en déclarant suivre avec attention le niveau de la parité sans que cela ne rentre dans le mandat de la BCE, Christine Lagarde a ouvert la voie à une appréciation supplémentaire de l’euro, obligeant l’arrière-garde à venir rectifier le tir. Après Philip Lane, François Villeroy de Galhau est donc également monté au créneau : « Nous ne visons pas des taux de change spécifiques mais à l'évidence, le taux de change importe pour l'inflation et la politique monétaire ». Si le combat contre l’inflation est loin d’être gagné, il passe, des deux côtés de l’Atlantique, peut-être par une bataille des changes.