Notre rendez-vous du lundi 08 août 2022 était déjà l’occasion de rappeler la lutte dans l’esprit des gérants entre l’avidité et la raison, l’exposition maintenue voire renforcée et la prudence raisonnable, la concupiscence et la vertu. Nous nous situions alors en fin de bear market rally de juillet et invitions nos lecteurs à ne pas s’emballer et à attendre le symposium de Jackson Hole de fin août et surtout la confirmation du reflux de l’inflation aux USA (à juste titre, avec le recul, puisque les marchés avaient bien corrigé entre mi-août et mi-octobre). Depuis mi-octobre 2022, beaucoup d’acteurs de marchés et notre équipe de gestion d’ailleurs ont joué tactiquement l’émergence de plusieurs bonnes nouvelles : la principale, naturellement, a été celle des chiffres d’inflation américains d’octobre qui ont confirmé une trajectoire baissière et le scénario d’une inflation américaine ayant alors atteint son pic (un « soulagement bienvenu » selon l’expression de Lorie K. Logan, Présidente de la Fed de Dallas) ; cette bonne nouvelle était alors accompagnée d’un autre catalyseur positif, à savoir l’assouplissement entamé de la stratégie zéro-Covid en Chine.
Après cette phase de belle hausse des marchés actions entre le 14 octobre 2022 et le 13 janvier 2023 (+12,09% sur le S&P 500 TR, +23,45% sur l’Euro Stoxx 50 TR, +6,28%% sur le CSI 300 TR et +16,07% sur le MSCI ACWI TR), et de resserrement des spreads de crédit (passage de 131 bps à 79,5 bps sur l’iTraxx Main, indice Investment Grade européen, et de 625,7 bps à 415,37 bps sur l’indice iTraxx Xover, indice High Yield européen), ne devrions-nous pas nous reposer les questions qui prévalaient début août 2022 ? Après avoir capté au mieux cette phase de hausse de trois mois, en exerçant notre métier, à savoir en faisant montre d’un « esprit de lucre vertueux », animé par la recherche de performance au profit de nos clients, comment éviter de tomber dans l’écueil de la concupiscence coupable souvent soutenue par le fameux effet FOMO (« fear of missing out ») ? Les chiffres de l’inflation US du mois de décembre, sortis jeudi dernier, en étant conformes aux attentes, avec un CPI annuel à 6.5% (contre 7.1% en novembre) n’invitent pas à la tempérance et confortent encore les tenants d’un pivot dovish de la FED plus rapide que prévu et d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine (soft landing). Cette croyance alimente d’ailleurs la dépréciation du dollar et constitue un soutien pour les actifs risqués.
Le prochain FOMC du 31 janvier sera cardinal et la lecture du Livre beige de la Fed (qui sera publié mercredi) sera intéressante. Certains crient même victoire, comme l’économiste Dean Baker du Center for Economic and Policy Research (CEPR) dans une récente publication : « It looks like the Fed has largely accomplished its mission of taming inflation, without bringing on a recession. Plenty of things can mess up this picture, like another surge of Covid or an escalation of the war in Ukraine, but for now, the economy is looking very good. »…, allant même jusqu’à tweeter : « Time for the Fed to declare victory and stop rate hikes! ». Si la baisse consécutive sur trois mois de l’inflation Core hors logement est notable, -1%, il nous semble bien prématuré de croire que la FED changera rapidement et radicalement son agenda de resserrement monétaire, ce que le consensus des investisseurs achète néanmoins. Toutefois, cette trajectoire baissière de l’inflation invite à l’optimisme et rend de plus en plus probable le scénario d’une récession soft aux Etats-Unis où les efforts de la FED pour lutter contre les composantes de l’inflation étant à sa portée se conjuguent aux efforts de la Maison Blanche (utilisation significative des réserves de pétrole stratégiques, lois passées depuis deux ans par l’administration Biden pour soutenir des secteurs clés comme les infrastructures, les énergies renouvelables ou l’industrie des semi-conducteurs…). Force est de constater par ailleurs que le marché américain du travail surprend par sa résilience avec un rythme moyen de 272 000 créations d’emplois sur les trois derniers mois. Lors de sa dernière conférence de presse en 2022, le 30 novembre, organisée par la Brookings Institution, Jerome Powell lui-même estimait « très plausible » un « soft ou softish landing ».
A court terme, avec des indices actions ayant connu une progression fulgurante, il nous semble avisé de penser à un repositionnement tactique des portefeuilles en allégeant un peu leur exposition actions sur les USA, plus nous nous rapprocherons du FOMC de fin janvier. Le forum économique mondial annuel de Davos qui se tiendra cette semaine sera également riche d’enseignements. Enfin, sur l’Asie, nous avons décidé de sortir nos expositions actions japonaises du fait de la montée du Yen liée à la sortie déjà entamée de la BoJ de sa politique monétaire ultra-accommodante (tendance qui sera certainement confirmée ce mercredi lors de sa décision de politique monétaire). Quant à la Chine, si l’abandon de la stratégie zéro-Covid a constitué indéniablement un stimulus sur les marchés, il n’en demeure pas moins que nous devons garder un œil sur l’évolution de la gestion de l’épidémie par les autorités chinoises. Le gouvernement de Xi Jinping est soumis à rude épreuve et son peuple attend du parti communiste qu’il assure la fameuse prospérité commune. Un redémarrage raté de la puissante Chine pourrait fragiliser la demande intérieure et ne pas permettre aux exportations de reprendre des couleurs.
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