En remettant sur la table la « data dependence » lors de leur dernière sortie, les banquiers centraux confirment leur difficulté, voire leur incapacité, à prévoir les chiffres macroéconomiques ; le dernier rapport sur l’emploi américain en est le parfait exemple. Décidément, l’hyperbole de la « data dependence » a bon dos. Les banquiers centraux ne sont pas avares en matières de figures de style : autre exemple, après le « faux dilemme » entre hard landing et soft landing, émerge le concept _sophisme ou paralogisme ?_ d’un « no landing » où l’économie ne ralentit pas assez pour réduire significativement l’inflation et les taux restent durablement haut.
Dans une semaine relativement peu chargée en chiffres économiques, nous avons eu droit à une intervention de Jerome Powell devant l’Economic Club of Washington, quelques jours seulement après la dernière réunion du FOMC. L’occasion pour lui d’assurer le service après-vente, notamment après la surprise des chiffres de l’emploi américain. Son intervention était donc attendue avec fébrilité, dans la crainte d’une sortie plus hawkish que lors de sa dernière intervention. Il n’en a finalement rien été, le président de la Fed continuant de souffler le chaud et le froid. S’il a admis avoir été surpris par la vigueur du marché du travail, Jerome Powell a confirmé que la désinflation avait bel et bien commencé, en particulier sur les prix des biens, tandis que la composante loyers devrait enfin commencer à baisser dans les prochains mois dans le sillage de la baisse des prix du marché immobilier. Cependant, le président de la Fed a rappelé que le combat contre l’inflation « prendra pas mal de temps » et que la route serait « longue, voire cahoteuse » pour retourner vers la cible des 2% d’inflation. De nouvelles hausses de taux pourraient donc s’avérer nécessaires si l’économie américaine devait ne pas assez marquer le pas, le principal point d’attention restant l’inflation dans les services et les tensions sur le marché de l’emploi. Si le taux terminal de la Fed n’a pas été abordé (5% ou 5.25% avec une hausse supplémentaire en mai ou juin) au cours de son intervention, Jerome Powell a rappelé la nécessité de maintenir les taux durablement en territoire restrictif. Comme mentionné lors de notre dernier rendez-vous du lundi, cela reste un point majeur de divergence avec les anticipations de marché qui considèrent que les banques centrales n’auront pas d’autres choix que de rebaisser les taux directeurs dès cette année.
Si Jerome Powell n’a pas voulu se montrer résolument hawkish, d’autres membres du FOMC s’en sont chargés pour lui. Ainsi, pas moins de quatre présidents de Fed régionales sont venus rappeler que les hausses n’étaient pas finies et qu’il n’y aurait pas de pause à court terme. Pour John Williams, par exemple, le Président de la Fed de New York, les taux directeurs devraient être entre 5.25% et 5.5% à la fin de l’année, soit bien au-delà des anticipations des investisseurs. Tandis que pour Lisa Cook, membre du Conseil des gouverneurs de la Fed, l’économie tourne encore trop vite, ce qui lui fait dire que les hausses ne sont pas encore finies. En attendant les prochains chiffres déterminants (en particulier l’inflation avec le chiffre du CPI de janvier attendu mardi), les marchés financiers ont consolidé la semaine dernière, les investisseurs prenant une partie de leurs bénéfices après un très bon début d’année.
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